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GILLES DE RAIS.

ment portent l’excommunication et les autres peines déterminées par le droit canonique.

Voilà l’accusation dressée contre Gilles de Rais, maréchal de France : c’est la plus terrible, encore une fois, qui ait été élevée au XVe siècle, sans même excepter celle qui fut portée contre Jeanne d’Arc, aussi fausse que celle-ci est vraie, aussi peu solide que celle-ci est bien fondée, aussi haineuse que celle-ci est modérée. Trouverait-on même, dans les annales judiciaires de l’humanité, un réquisitoire plus lourd à la charge d’un homme ? Quelques hommes, il est vrai, ont paru si coupables, qu’on leur a donné ce nom de monstre si prodigué, et avec tant de raison, à Gilles de Rais par les historiens et les romanciers : mais leur vie a été brisée par un orage : un vent subit les emporta ; le poison, le fer, leurs propres mains les ont fait disparaître de la scène du monde qu’ils avaient ensanglantée ; ils sont morts, mais dans un marais, dans un combat, au fond d’un palais, loin des regards de la foule : autant que nos souvenirs nous rappellent le passé, jamais si grand coupable, devant un tribunal siégeant pour le juger, en présence d’une foule avide, où se pressent et s’agitent autour de lui tant de victimes, n’entendit pareille voix s’élever pour le maudire, ne vit dresser contre lui une telle accusation, ne porta un tel poids de crimes ; le monde est moins lourd que le fardeau d’une telle vie.

Aussi, sous le poids qui l’écrase, cet homme s’agite : il sent que c’est celui de toutes les vengeances divines et humaines, que c’est la mort, et plus que la mort, la honte éternelle. Comme le mal demeure encore en son sein et que le crime l’habite, sans que le repentir, entré à la suite du remords, l’en puisse chasser encore, l’orgueil, mais un orgueil mêlé de crainte et de honte, le fait regimber contre le châtiment qui l’atteint ; il trouve dure la main qui le frappe. Si l’on en juge par la fureur où le fit entrer l’acte d’accusation, la lecture en fut souvent interrompue par ses dénégations et ses injures. Aussi, quand l’évêque et le vice-inquisiteur lui demandèrent s’il voulait répondre aux différents chefs de