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GILLES DE RAIS.

« Comment un très grand seigneur du pays de Bretaigne, nommé le seigneur de Raix, fut accusé d’hérésie. » — « En l’an dessus dit (1440), raconte-t-il dans ses Chroniques, advint en la duché de Bretaigne, une grande, diverse et merveilleuse aventure : car le seigneur de Raix, qui pour lors était grand maréchal de France, et était moult noble homme, et très grand terrien, et issu de très grand et très noble génération, fut accusé et convaincu d’hérésie ! » Le bon historien ne pouvait mieux peindre que par ces termes la surprise que causa cet événement. Le chroniqueur ajoute : « Pour la mort dudit seigneur de Raix, grand partie des nobles du pays de Bretaigne, et espécialement ceux de sa famille, en eurent au cœur tres grand douleur et tristesse. » Sentiment honorable sans doute, s’il n’eut pour cause que les crimes de Gilles de Rais, mais que plusieurs soupçonnent malheureusement d’avoir été mêlé d’un égoïste regret de leurs privilèges perdus. Le baron de Rais, maréchal de France et lieutenant général des armées de Bretagne, jugé et exécuté comme le moindre de ses serviteurs par les cours ordinaires de justice, malgré ses appels réitérés à un tribunal supérieur, établissait, aux yeux de tous, entre les grands et les petits, une égalité, qui présageait de loin la chute future de la féodalité.

On a confondu longtemps en France, peut-être à dessein de rendre impopulaire la maison de Bretagne, qui faisait souvent échec aux rois de France, et l’on confond quelquefois encore, par ignorance, Gilles de Laval avec Gilles de Bretagne. D’Argentré a relevé vertement cette méprise : « Voilà la fin de ce seigneur que les chroniqueurs français mal appellent Gilles de Bretagne, abusés de ce qu’en même temps, il y eut un frère du Duc, qui s’appela Gilles, qui est celuy qui mourut à la Hardouinaye ; mais il ne fut pas exécuté par justice, n’y ne fut maréchal de France ; et cestuy ne s’appela pas de Bretagne, ni n’estoit frère du Duc. Et encore baillent à cestuy les armes de Bretagne hors de propos : mais telles gens ne doutent de rien et assurent souvent ce qu’ils savent fort