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GILLES DE RAIS.

gnages, dont ils s’étaient entourés, pour se rassurer contre l’issue d’une telle attaque. Mais aussi ces preuves, renouvelées à trois ans de distance, sous les yeux du parlement de Paris, et ces poursuites exercées contre les juges de Nantes, n’ont servi qu’à faire éclater avec plus de lumière et la réalité des crimes et la justice du châtiment.

Peut-être que Prégent de Coétivy, fier de sa haute fortune, avait cru pouvoir se promettre de triompher, grâce à son crédit ; mais ses espérances furent confondues. Ce procès n’aboutit pas ; ou plutôt il donna raison au tribunal de Nantes dans une cause où les coupables s’étaient faits les accusateurs d’eux-mêmes et où les juges avaient vengé les droits si longtemps outragés de l’humanité, de la faiblesse et de la vertu. Pierre de l’Hospital n’eut sans doute pas de peine à démontrer son innocence ; et, pour grandes que fussent et la faveur et la puissance de la partie adverse, devant tant de preuves encore vivantes et fraîches, le parlement de Paris fut contraint de souscrire aux arrêts de la justice de Nantes. Il n’existe absolument aucun monument, aucune trace qui ait conservé le souvenir de la réhabilitation du maréchal. Parmi les pièces assez nombreuses qui nous restent sur Prégent de Coétivy et sa femme et où Gilles de Rais se trouve très souvent nommé, aucune allusion ne paraît à un événement, qui eut été si honorable pourtant.

Le célèbre Mémoire des héritiers lui-même, où se trouvent condensés contre les ducs de Bretagne tous les griefs qu’on put établir ou inventer contre eux, est muet aussi sur une réhabilitation, qui eût été le plus fort argument à opposer à la partie ennemie. Cependant, on ne peut supposer que, si le parlement eût annulé la sentence des juges Bretons et proclamé l’innocence du condamné, sa famille n’eût pas mis à publier ce jugement une ardeur à tout le moins égale à celle que les juges avaient déployée à poursuivre le coupable ; on ne peut croire qu’il ne serait resté d’un acte aussi important aucun souvenir ni dans le peuple ni surtout parmi les historiens. Ni Monstrelet, qui a raconté