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LE SORT DES COMPLICES.

l’abri de toute poursuite et partant de toute crainte pour l’avenir ; elles rendraient le calme à son cœur troublé et le repos à ses nuits inquiètes : après, il ne lui resterait que les vengeances du remords, et le coupable, une fois à l’abri des vengeances de la justice humaine, se promettait bien de s’arranger avec sa conscience et avec Dieu. On se demande aujourd’hui par quels moyens il put cacher la vérité aux yeux du roi : toujours est-il qu’il obtint, le 24 mai 1456, seize ans après la mort de Gilles de Rais, les lettres de rémission tant convoitées ; elles étaient telles qu’il pouvait le désirer. Les raisons invoquées par Charles VII, sont curieuses à étudier : quels motifs pouvait-il donner à sa clémence après le procès de Nantes, surtout après que le procès de révision avait si misérablement échoué ? Le dévouement de la famille du coupable pour la France, la crainte que lui inspirait Gilles, son maître, les services qu’il avait rendus ou qu’il pourrait rendre à l’avenir à la patrie et au roi. En vérité, il ne faut pas toujours chercher la logique et la pudeur dans les actes des hommes[1].

Car il faut bien le reconnaître : rien n’est plus surprenant que ces raisons, apportées évidemment pour donner une couleur de justice à des lettres de rémission aussi complète dans une circonstance aussi grave. Pour nous, qu’une douce compassion pour les victimes a touchés profondément et aux yeux de qui paraissent encore trop doux les rudes châtiments, inventés pour punir de tels forfaits, nous éprouvons une grande surprise, en voyant sur quels motifs Charles VII s’appuie pour gracier un pareil coupable. Sans doute le patriotisme de la famille de Bricqueville qui est mis en avant, la reconnaissance que Roger devait à son maître, le peu de sens et d’entendement du jeune écuyer, la crainte que lui inspirait Gilles de Rais, les services qu’il avait rendus dans la guerre contre les Anglais, le dévouement surtout dont il promettait de si beaux effets à l’avenir, la cause étant moins

  1. Lettres de rémission accordées à Roger de Bricqueville ; Pièces justificatives, p. CXLV. CXLVI, CXLVII.