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SA FEMME.

avec trop d’impatience les funestes effets de leurs flatteries, pour être tentés de les conserver comme des serviteurs à gages.

Repoussée par Gilles de Rais alors que ces nouveaux arrivés l’entouraient comme d’un réseau par leurs assiduités et leurs intrigues, c’était à bon droit que sa famille attribuait à leur influence, inconsciente ou préméditée, mais à coup sûr bien funeste, le malheur et la ruine d’une épouse, d’un père ou d’un frère. Aussi Catherine de Thouars, sa femme ; Marie de Rais, sa fille ; Prégent de Coétivy et André de Laval, ses gendres, et surtout René de la Suze, son frère et le dernier héritier de son nom et de ses biens, avaient conçu d’eux une telle haine, qu’ils ne pouvaient supporter leur vue et qu’elle s’échappe, pour ainsi dire, de toutes les lettres de leurs suppliques. Le Mémoire des héritiers de Gilles de Rais est rempli, en particulier, des expressions les plus indignées contre la tourbe de ces valets, ramassés de tous les points de l’Europe et cause de tant de malheurs. L’on ne saurait donc avoir de doute sur le sort qu’eut, après la mort du maréchal, tout cet essaim de flatteurs : aussi bien, qu’eussent-ils fait dans une demeure ravagée ? Sous l’effort de l’orage, l’arbre sur lequel ils s’étaient abattus de toutes parts étant tombé avec un grand bruit, les frélons s’étaient envolés avec épouvante. Quand ils eurent abandonné une demeure où ils avaient été si longtemps les maîtres, Catherine de Thouars, sa fille et son beau-frère René y rentrèrent et essayèrent d’en réparer les ruines ; mais la secousse avait été trop forte : ébranlée jusque dans ses fondements, elle ne tardera pas à crouler tout entière et à disparaître dans une chute finale. Il convient de dire cependant ce qu’il advint de sa famille : le récit toutefois en sera nécessairement court ; mais, pour être complet, il faut retracer, au moins en quelques lignes, quelles furent les destinées des trois vies si intimement liées à la personne, au nom et au souvenir de Gilles de Rais, et quelle fut la fin rapide d’une maison, qui venait d’être si fortement secouée.