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SA FILLE.

de sa femme et surtout d’Ingrandes et de Champtocé. On nous saura gré de passer sous silence les détails aussi longs qu’ennuyeux des accords qui furent faits, à diverses époques, entre les ducs de Bretagne et le nouveau baron de Rais. La publication de nombreux documents relatifs à Gilles de Rais fournirait sur ce point aux esprits curieux de recherches, tout ce qu’ils peuvent désirer en ce genre. Mais, aux lecteurs qui se sentent moins de goût pour ce genre d’érudition aride et sèche, ils n’offriraient ici que des ennuis. Peut-être même avons-nous déjà excédé la mesure : qu’on nous permette pourtant d’ajouter que, par une dernière transaction passée entre Prégent de Coétivy et François II, le 23 juin 1448, et dont le duc de Bretagne n’avait pas rempli les conditions, l’amiral entrait de plein droit dans la libre possession d’Ingrandes et de Champtocé, le 24 juin 1450, deux ans plus tard.

Il était alors au siège de Cherbourg et il manifestait souvent sa joie à ses amis, leur disant qu’il était désormais, sans aucune ombre de doute, seigneur de ces deux grandes terres. Mais quatre jours avant l’échéance du jour fixé, le 20 juin 1450, comme il était sur la brèche, un coup de canon l’atteignit : il tomba roide mort[1]. « Ce fut grand dommage et perte pour le roi, dit l’historien de Charles VII ; car il était tenu des vaillants chevaliers et renommés du royaume, fort prudent et de bon âge[2]. » Il avait à peine quarante-huit ans. Prégent de Coétivy était faible de constitution et sa santé ne se soutenait plus qu’à force de soins. Mais, à ses talents militaires, à sa fortune, à son grand nom, à ses charges, il unissait un esprit des plus cultivés de son époque : c’est ce qu’attestent des lettres, en trop petit nombre malheureusement, et son amour des bons et beaux livres. Son goût pour le luxe égalait celui des plus grands personnages du xve siècle. Mais il fut âpre au gain et à l’argent. Comme la plupart des grands seigneurs, qui avaient été fidèles au roi dans le malheur, il

  1. Cart. des sires de Rais, no 316 ; Rev. des Prov. de l’Ouest, t. III, p. 755.
  2. J. Chartier.