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GILLES DE RAIS, BARBE-BLEUE.

soir passa près du château, se rendant à Morlaix, un cavalier, le comte Odon de Tréméac, seigneur de Krevent et autres lieux ; près de lui chevauchait une belle jeune fille, Blanche de l’Herminière, sa fiancée. Gilles de Rais les invita l’un et l’autre à se reposer et vida avec eux un verre d’hypocras. Cependant les voyageurs avaient hâte de poursuivre leur chemin. Mais Gilles de Rais se montra si pressant et surtout si aimable, que le soir vint sans que l’on songeât à partir.

« Tout à coup, sur un signe du châtelain, des archers s’emparèrent du comte Odon de Tréméac, qu’ils jetèrent dans un cachot profond ; puis Gilles parla à la jeune fille de l’épouser. Blanche versa d’abondantes larmes, tandis que la chapelle s’éclairait de mille cierges, que la cloche tintait joyeusement et que tout se préparait pour la noce. Blanche fut conduite au pied de l’autel ; elle était pâle comme un beau lis et toute tremblante. Monseigneur de Laval, vêtu superbement, et dont la barbe était du plus beau rouge, vint se mettre auprès d’elle : — « Vite, messire chapelain, mariez-nous. — Je ne veux pas de Monseigneur pour époux ! s’écria Blanche de l’Herminière. — Et moi, je veux qu’on nous marie. — N’en faites rien, messire prêtre, reprit la jeune fille en sanglotant. — Obéissez ; je vous l’ordonne. » Puis, comme Blanche essayait de fuir, Gilles de Rais la saisit dans ses bras. — « Je te donnerai, dit-il, les parures les plus belles. — Laissez-moi ! — À toi mes châteaux, mes bois, mes champs, mes prés ! — Laissez-moi ! — À toi mon corps et mon âme !… — J’accepte ! j’accepte ! entends-tu bien, Gilles de Rais ? j’accepte ; et désormais tu m’appartiens. » Blanche venait de se métamorphoser en un diable bleu d’azur, qui avait pris place aux côtés du baron. — « Malédiction ! » s’écria ce dernier. — « Gilles de Laval, dit le démon avec un éclat de rire sinistre, Dieu s’est lassé de tes forfaits ; tu appartiens maintenant à l’enfer et dès ce jour tu en as revêtu la livrée. » En même temps, il fait un signe et la barbe de Gilles de Laval, de rouge qu’elle était, prit une teinte des plus foncées. Ce n’est pas tout ; le démon dit encore : « Tu ne seras plus à l’avenir