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TRADITIONS ORALES.

arriver où il subsiste encore, tournoyant et obscur, jusqu’à ce qu’il s’ouvre dans l’endroit désigné comme le lieu terrible. Ce lieu est plus qu’à moitié comblé, en effet, par les éboulements de la voûte et des murailles : au-dessus s’est formée une terrasse naturelle, où poussent les ronces et les arbrisseaux. Cet endroit était admirablement placé pour favoriser le crime. Le donjon, dont il fait partie, également séparé de la porte d’entrée, des bâtiments réservés aux seigneurs et des fortifications du pourtour, se prêtait aux infamies secrètes du maréchal. La chambre cachée, située au-dessus du portail, est exactement à la même place que la chambre où, à Machecoul, d’après le Procès ecclésiastique, l’on brûlait les corps des victimes dans une grande cheminée ; l’escalier enfin, qui du donjon descendait alors, dans l’épaisseur de la muraille, jusqu’au bord de l’étang formé par la Crùme, permettait d’y porter facilement, sans être vu de personne, les restes calcinés des enfants mis à mort. Voilà pourquoi nous avons cru devoir rapporter la tradition conservée par cette femme.

Ces récits d’ailleurs, sont confirmés par une foule de traditions, qui, sans être aussi précises, viennent corroborer notre opinion en se rapportant toutes à Gilles de Rais, mais à Gilles de Rais Barbe-Bleue. C’est ainsi que le peuple vendéen s’imagine que la chambre funèbre, où sont pendues les sept femmes de Barbe-Bleue, existe encore dans un endroit caché du château de Tiffauges ; seulement les marches de l’escalier qui y mène se sont écroulées avec le temps ; et malheur au touriste curieux dont le hasard y conduit les pas ! Soudain il tombe dans un abîme profond où il périt misérablement. Le soir, les gens du peuple évitent ces ruines funestes, hantées, comme aux plus mauvais jours, par l’ombre inquiète et méchante de Barbe-Bleue[1]. La grosse tour, qui se dresse

  1. En ce moment même se publie dans les Échos du Bocage Vendéen, revue illustrée, un article sur le château de Tiffauges, de Gilles de Rais, surnommé plus tard Barbe-Bleue, par M. Miguen, docteur-médecin à Montaigu. Je lis