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GILLES DE RAIS, BARBE-BLEUE.

sur la vallée de la Crûme, possède aussi ses légendes ; on y remarque un effet d’acoustique merveilleux qui frappe l’imagination du peuple. Cette tour est elliptique et porte, à son couronnement, sur les créneaux, un chemin de ronde parfaitement conservé. Le cylindre intérieur est plein ; le long de la paroi est disposé un siège de pierre ; en face, la muraille qui cache l’horizon ; au-dessous, l’abîme à travers les créneaux ; et le visiteur doit faire bien attention où il pose le pied, car un faux pas le précipiterait dans le gouffre. Deux personnes, placées aux deux extrémités du banc de pierre, c’est-à-dire à plus de trente pas l’une de l’autre, peuvent converser ensemble sans se voir, très distinctement, à voix basse, si basse que le bruit le plus léger et le moindre souffle, ailleurs, empêcheraient le son d’arriver jusqu’à l’oreille, à deux pas de distance. Or, c’est là, dit le peuple, que Barbe-Bleue aimait à faire conduire ses victimes, afin de surprendre leurs secrets.

Le souvenir du supplice s’est encore conservé ; mais le roman a envahi l’histoire. Voici comment se termine généralement le conte : « Barbe-Bleue fut emmené dans la ville de Nantes, où il fut condamné à mourir ; mais les juges voulurent qu’il fût exécuté au lieu même de ses crimes. » Au sommet du côteau, qui porte les fortifications du nord et d’où l’on voit à ses pieds la tête des aulnes, des peupliers et des chênes qui bordent la Sèvre, l’on fixe encore l’endroit, d’où le coupable, enfermé, comme dans l’adroite Princesse, dans un tonneau garni au-dedans de poignards et de clous aigus préparés pour sa femme, fut lancé, roulant de rochers en rochers jusqu’au fond de la vallée. Quand il arriva sur le bord de l’eau, il était mort ; « et, disent nos récits, on se réjouit grandement à Tiffauges et partout de la mort d’un si

    dans la même revue ces deux vers d’un sonnet du Dr Hébert, de Tiffauges, parlant du château de Barbe-Bleue :

    Longtemps les pèlerins, au cours de leur voyage,
    Craintifs, se sont signés en entendant ton nom.