Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/210

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on voit la foy du saint homme couronnée par des prosperitez temporelles : mais cependant le peuple de Dieu apprend à connoistre quelle est la vertu des souffrances, et à gouster la grace qui devoit un jour estre attachée à la croix. Moïse l’avoit goustée lors qu’il préfera les souffrances et l’ignominie qu’il falloit subir avec son peuple, aux délices et à l’abondance de la maison du roy d’Egypte. Deslors Dieu luy fit gouster les opprobres de Jesus-Christ. Il les gousta encore davantage dans sa fuite précipitée, et dans son exil de quarante ans. Mais il avala jusqu’au fond le calice de Jesus-Christ, lors que choisi pour sauver ce peuple, il luy en fallut supporter les révoltes continuelles, où sa vie estoit en peril. Il apprit ce qu’il en couste à sauver les enfans de Dieu, et fit voir de loin ce qu’une plus haute delivrance devoit un jour couster au sauveur du monde.

Ce grand homme n’eût pas mesme la consolation d’entrer dans la terre promise : il la vit seulement du haut d’une montagne, et n’eût point de honte d’écrire qu’il en estoit exclus par un peché, qui tout leger qu’il paroist, merita d’estre chastié si severement dans un homme dont la grace estoit si éminente. Moïse servit d’exemple à la severe jalousie de Dieu, et au jugement qu’il exerce avec une si terrible exactitude sur ceux que ses dons obligent à une fidelité plus parfaite.