Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/323

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Que si l’endurcissement des juifs sous Sedecias estoit l’effet le plus terrible et la marque la plus asseûrée de la vengeance divine, que dirons-nous de l’aveuglement qui a paru du temps de Tite ? Dans la premiere ruine de Jérusalem les juifs s’entendoient du moins entre eux : dans la derniere, Jérusalem assiégée par les romains estoit dechirée par trois factions ennemies. Si la haine qu’elles avoient toutes pour les romains alloit jusqu’à la fureur ; elles n’estoient pas moins acharnées les unes contre les autres : les combats du dehors coustoient moins de sang aux juifs que ceux du dedans. Un moment aprés les assauts soustenus contre l’étranger, les citoyens recommençoient leur guerre intestine ; la violence et le brigandage regnoit par tout dans la ville. Elle perissoit, elle n’estoit plus qu’un grand champ couvert de corps morts, et les chefs des factions y combatoient pour l’empire. N’estoit-ce pas une image de l’enfer où les damnez ne se haïssent pas moins les uns les autres qu’ils haïssent les démons qui sont leurs ennemis communs, et où tout est plein d’orgueïl, de confusion et de rage ?

Confessons donc, monseigneur, que la justice que Dieu fit des juifs par Nabuchodonosor n’estoit qu’une ombre de celle dont Tite fut le ministre. Quelle ville a jamais veû perir onze cens mille hommes en sept mois de temps et dans un seul siége ? C’est ce que virent les