Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/417

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de la manne dont le peuple a esté nourri durant quarante ans, on aura marqué le temps où cessa cette nourriture celeste, et ce fait écrit depuis dans un autre livre sera demeuré par remarque dans celuy de Moïse comme un fait constant et public dont tout le peuple estoit témoin ; quatre ou cinq remarques de cette nature faites par Josué, ou par Samuël, ou par quelque autre prophete d’une pareille antiquité ; parce qu’elles ne regardoient que des faits notoires et où constamment il n’y avoit point de difficulté, auront naturellement passé dans le texte ; et la mesme tradition nous les aura apportées avec tout le reste : aussitost tout sera perdu ? Esdras sera accusé, quoy-que le samaritain, où ces remarques se trouvent, nous montre qu’elles ont une antiquité non seulement au dessus d’Esdras, mais au dessus du schisme des dix tribus ? N’importe ; il faut que tout retombe sur Esdras. Si ces remarques venoient de plus haut, le pentateuque seroit encore plus ancien qu’il ne faut ; et on ne pourroit assez réverer l’antiquité d’un livre dont les notes mesmes auroient un si grand âge. Esdras aura donc tout fait ; Esdras aura oublié qu’il vouloit faire parler Moïse, et luy aura fait écrire si grossiérement comme déja arrivé ce qui s’est passé aprés luy. Tout un ouvrage sera convaincu de supposition par ce seul endroit ; l’autorité de tant de siecles et la foy publique ne luy servira