Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/477

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de canaux, afin qu’il en pust arroser les terres dont la fertilité devenoit incomparable par ce secours. Pour rompre la violence de ses eaux trop impetueuses, il fallut le faire couler par mille détours, et luy creuser de grands lacs qu’une sage reine revestit avec une magnificence incroyable. Nitocris mere de Labynithe, autrement nommé Nabonide ou Baltasar, dernier roy de Babylone, fit ces grands ouvrages. Mais cette reine entreprit un travail bien plus merveilleux : ce fut d’élever sur l’Euphrate un pont de pierre, afin que les deux costez de la ville que l’immense largeur de ce fleuve separoit trop, pussent communiquer ensemble. Il fallut donc mettre à sec une riviere si rapide et si profonde, en détournant ses eaux dans un lac immense que la reine avoit fait creuser. En mesme temps on bastit le pont, dont les solides materiaux estoient préparez, et on revestit de brique les deux bords du fleuve jusqu’à une hauteur étonnante, en y laissant des descentes revestuës de mesme, et d’un aussi bel ouvrage que les murailles de la ville. La diligence du travail en égala la grandeur. Mais une reine si prévoyante ne songea pas qu’elle apprenoit à ses ennemis à prendre sa ville. Ce fut dans le mesme lac qu’elle avoit creusé, que Cyrus détourna l’Euphrate, quand desesperant de réduire Babylone ni par force, ni par famine, il s’y ouvrit des deux costez de la ville le passage que nous avons veû tant marqué par les prophetes.