Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/524

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c’est que l’estat romain constitué de la maniere que nous avons veûë, estoit pour ainsi parler du temperament qui devoit estre le plus fecond en heros.

Un estat qui se sent ainsi formé, se sent aussi en mesme temps d’une force incomparable, et ne se croit jamais sans ressource. Aussi voyons nous que les romains n’ont jamais desesperé de leurs affaires, ni quand Porsena roy d’étrurie les affamoit dans leurs murailles ; ni quand les gaulois, aprés avoir bruslé leur ville, inondoient tout leur païs, et les tenoient serrez dans le capitole ; ni quand Pyrrhus roy des épirotes aussi habile qu’entreprenant les effrayoit par ses élephans, et défaisoit toutes leurs armées ; ni quand Annibal déja tant de fois vainqueur leur tua encore plus de cinquante mille hommes et leur meilleure milice dans la bataille de Cannes. Ce fut alors que le consul Terentius Varro qui venoit de perdre par sa faute une si grande bataille, fut receû à Rome comme s’il eust esté victorieux, parce seulement que dans un si grand malheur il n’avoit point desesperé des affaires de la république. Le senat l’en remercia publiquement, et deslors on résolut, selon les anciennes maximes, de n’écouter dans ce triste estat aucune proposition de paix. L’ennemi fut étonné ; le peuple reprit coeur, et crut avoir des ressources que le senat connoissoit par sa prudence.