Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/530

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penetrer leurs conseils, découvrir leurs intelligences, et prévenir leurs entreprises. Ils n’observoient pas seulement les démarches de leurs ennemis, mais encore tous les progrés de leurs voisins : curieux sur tout, ou de diviser, ou de contrebalancer par quelque autre endroit les puissances qui devenoient trop redoutables, ou qui mettoient de trop grands obstacles à leurs conquestes.

Ainsi les grecs avoient tort de s’imaginer du temps de Polybe que Rome s’agrandissoit plustost par hasard que par conduite. Ils estoient trop passionnez pour leur nation, et trop jaloux des peuples qu’ils voyoient s’élever au dessus d’eux : ou peut-estre que voyant de loin l’empire romain s’avancer si viste, sans pénetrer les conseils qui faisoient mouvoir ce grand corps, ils attribuoient au hasard, selon la coustume des hommes, les effets dont les causes ne leur estoient pas connuës. Mais Polybe que son étroite familiarité avec les romains faisoit entrer si avant dans le secret des affaires, et qui observoit de si prés la politique romaine durant les guerres puniques, a esté plus équitable que les autres grecs, et a veû que les conquestes de Rome estoient la suite d’un dessein bien entendu. Car il voyoit les romains du milieu de la mer Mediterranée porter leurs regards par tout aux environs jusqu’aux Espagnes et jusqu’en Syrie ; observer ce qui s’y passoit, s’avancer régulierement et de proche