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LE VIEUX GRIGOU


Pour enrichir son bas de laine
Le vieux grigou, matin et soir,
Buvait de l’eau, mangeait à peine
Un maigre quignon de pain noir…
— À présent que le voilà riche
Il peut se payer du pain blanc,
Mais, pour manger sa blanche miche,
Le grigou n’a plus une dent !
Il vécut toujours solitaire,
Terré comme un loup dans son coin,
Dormant la nuit vautré par terre
Sur un peu de paille ou de foin…
— À présent sa vieille carcasse
S’étale dans un beau lit-clos
Mais le cauchemar l’y tracasse :
Le grigou n’a plus de repos !
N’aimant à voir que l’or qui brille,
Ne vit jamais que l’or briller…
Il n’eut femme, garçon, ni fille,
Ne se fit jamais un foyer ;
— L’Amour peut frapper à sa porte
Rien ne saura plus le charmer :
Son cœur est mort, son âme est morte
Le grigou ne peut plus aimer !
Il maudissait les pauvres hères,
Ne secourut jamais les vieux :
Il n’aura jamais leurs prières
Et n’entrera pas dans les cieux…
— Au millieu de les las d’or jaune
Le voilà bien pauvre aujourd’hui :
Chantons ! Aimons ! Faisons l’aumône.,
Nous serons plus riches que lui !



(Cregh, éditeur.)