Page:Boucher de Perthes - De la misère.djvu/38

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À tous les avantages d’hygiène et de moralité qui résulteraient, pour le peuple, d’une moindre consommation de spiritueux, soit par l’affaiblissement du degré des liqueurs, la difficulté de s’en procurer, la réduction du nombre des débits et des distilleries, soit par des peines judicieusement appliquées à l’intempérance publique, on peut ajouter ce qu’il gagnerait en économie ; car de l’ignorance et de l’ivrognerie surgit encore le défaut d’ordre, autre source de souffrance, de malheur et de pauvreté ; en tout pays, on meurt de faim quand on ne sait pas compter.

Le défaut d’ordre vient de celui de calcul. On ne compte ni avec soi-même ni avec les autres, on dépense avant de gagner, et les ressources d’une semaine se trouvent ainsi épuisées en un jour.

Si vous êtes entrés quelquefois dans la maison du pauvre, avez-vous vu la misère, la grande misère où l’ordre existe ?

Ici l’on demandera à quoi on peut reconnaître l’ordre ? — On le reconnaît à la propreté, et un simple coup d’œil, un premier pas dans la chaumière vous l’indique. Oui, où la propreté habite, la pauvreté extrême n’est pas, car la misère comme la rouille ne semble avoir de prise que sur ce qui est sale et abandonné. La malpropreté est non seulement un indice de misère, mais en est une cause. La propreté, soit du logis, soit du corps, devient l’enseigne de la conduite ; elle prouve, avec la réflexion, un calcul de tous les instans ; elle démontre l’économie et la prévoyance de l’avenir. D’avenir, il n’en est pas pour celui qui n’a pas d’ordre : jamais il ne peut dire ce qu’il sera, ce qu’il fera demain. Pour lui point d’aisance possible ; ne connaissant ni ce qu’il reçoit ni ce qu’il donne, il est continuellement aux expédiens et peut mourir de faim comme le plus misérable.

Le premier effet de l’esprit d’ordre est l’arrangement : son premier bénéfice est le gain du temps. Celui qui