Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/105

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femme de chambre. La dame me fait l’effet d’une héroïne de théâtre, que suit sa confidente. Sur l’autre banc est un homme au nez rouge, dont les doigts sont surchargés de bagues. Ce personnage me paraît aussi appartenir à l’art mimique, mais d’un étage plus bas : ce doit être un entrepreneur de petit spectacle ou le directeur d’une ménagerie ambulante. Il veut entamer la conversation avec la grande dame qui le regarde de sa hauteur, tourne la tête et ne lui répond pas.

À une station avant Côme, je trouve une voiture allant à Varèze. J’y prends place. J’y ai cinq compagnons, tous Italiens et agréables causeurs. Pas un ne sait le français, et c’est avec un vif plaisir que je me remets à l’italien.

La campagne est toujours belle ; des vignes, suspendues en guirlande d’un arbre à l’autre, font un effet charmant. Un château, dont la façade est en partie cachée par des arbres, semble être placé là tout exprès pour devenir le théâtre d’un drame ou le sujet d’un roman. Isolé sur la colline, on n’y entend aucun bruit, on n’y voit pas le moindre signe d’êtres vivants.

Un peu plus loin, nous rencontrons des groupes de femmes et d’enfants qui suivent la route en chantant, et forment ainsi un contraste frappant avec ce que nous venons de quitter. Ils nous saluent, en passant, d’un joyeux e viva ! auquel répondent mes compagnons. Ce peuple commence à sentir le bien-être de la liberté.

À l’approche d’une colline, mes Italiens descendent de voiture pour marcher quelque peu. Voulant faire comme eux, je m’accroche à une ferrure et je déchire mon pantalon en brisant mon parapluie, meuble indis-