Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/154

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ces magasins, soutenu par des colonnes, fait, vu du lac, un effet monumental.

Comme notre vapeur est obligé de s’arrêter pour prendre des marchandises, nous allons faire un tour à terre et visiter ces hangars qui sont couverts en ardoises. J’y vois charger des fromages suisses destinés pour la Russie, fromages monstres qui ont un mètre de diamètre et trente-trois centimètres d’épaisseur. Chacun vaut deux cents francs.

Romanshorn a quatorze cents habitants. Là était la maison de plaisance de l’abbé de Saint-Gall. La masse de denrées et marchandises de toutes espèces qui remplissent les magasins est énorme.

Deux grands bateaux à vapeur, très-élégants, mais presqu’entièrement chargés de bœufs et de vaches, passent devant le port. On les salue comme d’habitude, et tous les passagers rendent le salut, sauf les bœufs pourtant. Toutes les secondes places sont occupées par ces animaux ; quelques-uns même ont gagné les premières : où l’ambition va-t-elle se nicher !

La pluie redouble. Les dames venues à terre s’empressent de retourner à bord, mais une grande et belle femme, arrêtée à l’entrée de l’escalier par sa crinoline, ne peut aller plus loin, et la circulation est interrompue. Réclamations de toutes celles restées dehors. On veut serrer la crinoline ; la dame s’y refuse. Elle se décide enfin à remonter et préfère mouiller sa personne que de briser ses ressorts, et, martyre de sa toilette, elle reçoit bravement l’ondée.

À dix heures et demie, nous quittons Romanshorn. Une fois hors du goulet, nous voyons la forme de la