Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/190

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la liberté, elle a mis les stores, puis les rideaux, et comme ce soleil indiscret pénétrait par les plis, elle y a ajouté son ombrelle : bref, nous sommes au secret. Heureusement pour ma curiosité que nous n’avons pas rencontré plus tôt cette beauté amie des ténèbres que je maudis de tout mon cœur.

Après une ou deux stations, nous sommes à Bâle.

Je descends à l’hôtel de la Tête d’Or. Ma belle voisine blonde, la dame à l’ombrelle, y vient aussi. On la prend pour ma femme, et l’on veut absolument que nous logions dans la même chambre où il n’y a qu’un lit : il est vrai qu’il est grand. Elle en rit comme une folle, et demande une autre chambre. Quant à moi, je ne veux pas du grand lit. Alors on me conduit, toujours avec la dame, dans une chambre où il y a deux lits. Elle rit plus fort. Le garçon ne rit pas ; il prétend qu’il n’y en a plus d’autre, et qu’il faut nous contenter de l’une ou de l’autre. Je propose à la dame de nous accommoder de toutes les deux, et je la prie de choisir. Elle prend celle au grand lit, et me laisse celle où sont les deux.

Je m’y établis donc, et je demande mon bagage. Je ne reconnais pas celui qu’on m’apporte. Le garçon prétend que c’est le mien ; d’ailleurs, qu’il ne reste que celui-là, ce qui vaut mieux que rien. Il ajoute que c’était probablement celui d’un voyageur qui venait de partir et qui s’était trompé. — La consolation était minime. Où rattraper ce voyageur ? J’étais dans cette perplexité, lorsqu’une voiture se fit entendre : on venait de s’apercevoir de l’erreur, et son auteur involontaire, tout aussi inquiet que moi, venait la réparer.

Je l’engage à monter chez moi pour reconnaître son