Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/194

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les attirait, comme le miroir fait venir les alouettes, car lorsque je les regardais fixement, ils semblaient redoubler d’attention et éprouver une sorte de satisfaction, de même que l’enfant à qui on fait voir une allumette enflammée.

J’ai cru remarquer, dans les cirques équestres et chez les dompteurs d’animaux, que leurs regards avaient une grande influence sur leurs élèves, et que c’était par l’action de leurs yeux qu’ils en devenaient maîtres. Il est certain que quand les parents savent s’en servir comme avertissement ou menace, ils agissent beaucoup sur les enfants qui, à certain clignement de l’œil, commencent à crier, bien que personne ne les touche.

On dîne sans doute de bonne heure à Bâle, car mon dîner, lorsque je le demandai, prit le titre de souper. Le salon, mi-café, mi-restaurant, où l’on me servit, était fort beau. Les domestiques, en habit noir et cravate blanche, avaient une mise irréprochable. Il en était autrement du menu : la misère des mets contrastait tristement avec le luxe du salon. Ce menu consistait en une sorte de boudin, un civet de quelque bête incomprise et certainement féroce si j’en juge à sa dureté, et le reste à l’avenant.

Le salon était d’ailleurs dans tout son éclat ; les convives y étaient en toilette. Des Anglaises y formaient la majorité. Un petit groupe était assis près d’une fenêtre donnant sur le Rhin et devant une table couverte de potiquets, accompagnement ordinaire du thé, et sans lesquels les Anglaises ne pourraient ni le faire ni le boire. À une table voisine est un homme à lunettes, très-laid ; ses traits communs et même gros-