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pour échapper aux visites. Certes, Rousseau était bien capable de ce trait d’originalité, toutefois je n’y crois qu’à moitié : on peut échapper à un importun sans risquer de se rompre le cou.

Nous voyons, non loin de là, un terrain qu’un Anglais avait acheté pour s’y faire enterrer. À sa mort, on réclama la place acquise. On la tint prête, mais l’Anglais n’est pas venu, et sa place l’attend encore. Il est à croire qu’elle l’attendra longtemps : le défunt n’aura pas voulu se déranger ; ou ses héritiers auront reculé devant les frais de transport,

Et ceci parce qu’il en coûte
À voyager, trois fois autant
Pour un mort que pour un vivant,
Bien qu’il ne prenne rien en route.

Si l’île a sa tombe vide, elle a ses salles de bal qui ne le sont pas : l’une pour la noblesse, l’autre pour le peuple, car ici les républicains n’admettent pas plus l’égalité que la fraternité, sauf dans leurs cimetières.

Près de la grande île, il en est une autre petite qui servait à Rousseau pour élever des lapins dont les descendants existent encore, ce qu’ils peuvent prouver leur généalogie en main, plus heureux que ceux du grand écrivain qui sont passés on ne sait où.

Le soleil baisse, il est temps de regagner Bienne. Nous rentrons dans le canot qui nous conduit à notre voiture.

D’un pont voisin, on voit trois lacs : Bienne, Morat et Neufchâtel.

En revenant à la ville, nous avons le spectacle d’un feu d’artifice qu’on tire au loin sur le lac pour célébrer