Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/263

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Mais voilà le plus curieux de la chose et la preuve de l’indulgence que la justice elle-même accorde à l’industrialisme : lorsqu’un de ces habiles est ainsi parvenu à faire payer pour litre ce qui n’en est que la moitié, et de gagner cent pour cent sur une pièce de vin, ou deux cents si l’on tient compte de l’eau qu’il y ajoute, s’il est pris en flagrant délit, jugé et condamné, ce sera en quinze francs d’amende, condamnation qui, en légitimant le bénéfice escroqué, loin d’être une peine, devient une sorte d’encouragement.

Malheureusement ces fraudes, et de pires encore, ont été pratiquées sur l’étranger : on y a envoyé des caisses de vin en bouteilles dont celles du premier rang étaient bonnes et les autres détestables. On a fait mieux : pour seconde rangée, on a mis des bouteilles cassées en humectant de lie la paille qui les enveloppait, de façon à faire croire qu’elles avaient été brisées en route, mais on n’en exigeait pas moins le paiement intégral. Ces filouteries ont fait un tort considérable au commerce français.

La gare où l’on prend la voie de Paris est une élégante construction d’où la vue s’étend sur un somptueux paysage. De nombreuses maisons de campagne et de vastes fabriques se révèlent de tout côté. Les collines sont couvertes de vignes ; nulle part, sauf sur la voie, on n’aperçoit le sol nu : c’est qu’ici chaque toise est une mine d’or, et que celles de la Californie n’en ont jamais tant produit.

Il est trois heures. Le temps, qui s’éclaircissait, revient à la pluie. J’ai bien fait de partir.