Page:Boucherville - Une de perdue, deux de trouvées, Tome 1, 1874.djvu/121

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
116
UNE DE PERDUE

Léon, l’aîné, est un homme d’une trentaine d’années ; d’épais sourcils couvrent ses yeux, d’énormes favoris se rejoignent sous le menton et donnent à sa physionomie quelque chose de féroce. François est un grand maigre, élingué. Une cicatrice lui traverse la figure. Ses grandes mains et ses doigts osseux, son visage étiré, sans barbe, ses bras qui lui pendent aux genoux, ses larges pieds au bout de ses longues jambes, lui donnent l’air d’un squelette. Jacob n’a que dix-sept ans, le plus jeune en âge, mais aussi vieux dans le crime, il est le digne complément de ce noble trio. Sa figure pâle et blême, ses yeux caves et cernés accusent la débauche et une depravation prématurée ; ses cheveux d’un blond cendré tombent sur ses épaules en mèches fines.

De temps en temps Jacob se lève pour aller regarder à la fenêtre, et revient s’asseoir au jeu ; à chaque fois il prend une énorme rasade de rum.

— Savez-vous, vous autres, que ça commence à m’embêter moi, dit Jacob, en jetant ses cartes sur la table ; voilà tout à l’heure deux nuits et deux jours que nous attendons ici, et il ne nous vient rien. Ce n’est pas drôle du tout de rester les bras croisés, à ce maudit poker qui me ruine, et à boire de ce méchant rum ! Encore s’il en restait du rum, mais il n’y a plus que deux bouteilles. Moi qui devais aller ce soir faire ma partie de quino chez la Fanchon. Je vous jure sur ma conscience, que s’il ne survient rien d’ici à deux heures, je fiche le camp.

— Allons, Jacob, ne te fâche pas, le petit, répondit Léon ; tiens, prends ta revanche. Encore un poker, en attendant. Tu sais qu’à quatre heures maman Coco doit nous apporter des nouvelles. Elle a vu M.