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DEUX DE TROUVÉES

sur le pont tous les passagers. Sara Thornbull, faible et à peine revenue du choc qu’elle avait éprouvé à la vue de Cabrera, se tenait appuyée au bras de Sir Arthur Gosford. Le comte d’Alcantara, dont la figure toute couverte de cicatrices, annonçait les horribles souffrances que son accident lui avait occasionnées, avait recouvré toute sa jovialité. Au fond, il était tout glorieux de sa mésaventure, s’attribuant presqu’à lui seul le mérite d’avoir décidé la fuite des pirates et l’honneur de la victoire.

Le navire avançait toujours, et la terre, qui d’abord n’apparaissait que comme un nuage à l’horizon, commençait peu à peu à se dessiner sur le fond bleu du firmament ; bientôt on put distinguer un petit vaisseau, sortant de l’une des passes du Mississipi, et se dirigeant dans la direction du Zéphyr. Sa grande voile latine le fit bientôt reconnaître pour un des bateaux pilotes, qui croisent sans cesse à l’embouchure du fleuve, et semblent vivre sur les eaux, comme les goëlands, ne retournant à terre qu’alors que les ombres de la nuit sont tout à fait tombées. Il était joli à voir ce petit cutter, courant sur les lames et plongeant de temps en temps à la risée le bout du bôme de son immense brigantine, comme une hirondelle qui trempe son aile à l’eau pour se rafraîchir.

Le capitaine donna l’ordre de faire des signaux. Le cutter y répondit et quelques instants après il fut à la portée du porte-voix.

— Ohé ! du cutter ! cria le capitaine.

— Oui, oui ! quel est ce brick ?

— Le Zéphyr !

— D’où venez-vous ?

— Du Brésil. Envoyez un pilot à bord.