Page:Boucherville - Une de perdue, deux de trouvées, Tome 1, 1874.djvu/130

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
125
DEUX DE TROUVÉES

Durant la nuit, pendant que le Zéphyr montait à pleine voile, refoulant le courant du Mississipi, Édouard Phaneuf prit un fanal et descendit à la cale, accompagné d’un des matelots du quart. Au bruit que fit le pilote en entrant dans la cale, Antonio Cabrera leva la tête et reconnut Phaneuf à la lumière du fanal que ce dernier tenait à la hauteur de son visage. Un signe imperceptible d’intelligence passa entre Phaneuf et Cabrera ; et ce dernier remit sa tête sur un paquet de voiles qui lui servait d’oreiller. Le matelot n’avait pas remarqué que Cabrera avait levé la tête.

— Ne faisons pas de bruit, ils dorment, dit-il à voix basse à Phaneuf.

— Oui, ne les réveillons pas, quoique des chiens comme eux ne méritent pas même qu’on les laisse dormir.

— Vous êtes bien dur, continua le matelot, ils n’ont que quelques jours à vivre, et quoiqu’ils méritent bien la mort, on doit en avoir pitié.

— Pitié ! et pour des chiens de pirates, répondit Phaneuf en affectant un air de suprême horreur. Allons-nous en, le cœur m’en lève de dégoût ! Prenez le fanal et montez.

Le matelot prit le fanal et monta le premier ; Phaneuf glissa quelque chose à Cabrera sans que le matelot l’aperçût. Ce quelque chose, c’était une lime.

Deux heures après, pendant que la plupart des gens de quart étaient assouvis, un homme se glissa tout doucement le long du passe-avant de bâbord, montait sur le gaillard d’avant en se traînant sur le ventre, passait par dessus le coltis, et s’aidant des