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UNE DE PERDUE

— Vous travaillez trop, docteur, vous menez une vie un peu trop austère.

— Que voulez-vous, je deviens vieux, le monde a bien peu d’attraits pour moi, et il n’est jamais trop tôt pour se préparer au grand voyage.

— C’est vrai ; si vous me le permettez, nous allons, en attendant, passer dans la salle à manger où le souper est servi. Il n’y a pas grand chose, je mène vie de garçon de ce temps-ci. Entrez, docteur, ou plutôt suivez-moi.

Le juge et le docteur s’assirent devant un excellent souper. Le premier mangea comme un homme et le docteur se contenta d’un peu de salade et de deux à trois verres d’eau.

— Comment, docteur, vous ne mangez pas d’autre chose ?

— Merci, c’est mon régime ; depuis près de cinq ans, je ne prends pas autre chose pour mon souper. Quelquefois vers dix heures, je prends une croute, quand je me sens l’estomac faible et que je suis obligé de faire quelque visite de nuit. Autrement, rien de plus.

— Vous prendrez bien un petit verre de vin ! c’est du Chambertin, ça ne vous fera pas de mal !

— Merci, je n’en use jamais.

— Allons, docteur, il faut avouer que si vous péchez, ce n’est pas par gourmandise au moins.

— Hélas, mon cher monsieur, j’en ai bien assez d’autres sur la conscience, sans que j’y ajoute encore le péché de gourmandise ; quoique, soyez sûr, ce ne soit pas par dévotion que je me prive de manger des mets aussi succulents que ceux que vous avez sur votre table.