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UNE DE PERDUE

avait bien été mise près du chevet de son lit, mais il lui était impossible d’y atteindre. Le sang qui s’était écoulé de sa blessure au front avait diminué la fièvre qui brûlait son cerveau. Le lendemain matin, il se réveilla un peu rafraîchi, mais si faible qu’il put à peine remuer son bras que les Coco-Létard, dans leur précipitation, avaient négligé d’attacher. Ce fut pour Pierre, une bien grande satisfaction de pouvoir étendre son bras et de tremper ses doigts dans la cruche pour les porter ensuite à sa bouche.

Vainement il essaya de se remuer : sanglé au lit par une courroie, qui lui passait par dessus la poitrine, il ne pouvait de sa main atteindre aux cordes qui attachaient son autre bras et ses jambes, ni défaire la courroie qui bouclait en dessous du lit.

Il demeura dans cette position jusque vers les trois heures de l’après-midi, temps auquel la mère Coco vint regarder par la trappe. Quand elle aperçut Pierre remuer son bras, elle crut qu’il était parvenu à se détacher ; elle lâcha un cri, ferma la trappe et appela François pour lui aider à assujettir fortement les ressorts, et à entasser par-dessus tout ce qu’il y avait de plus pesant dans l’appartement.

— Il nous arrivera malheur avec ce maudit prisonnier ; mon pauvre Jacob, que nous avons eu de la peine à transporter à la ville, où il souffre affreusement sous la garde de cette petite idiote de Clémence, a été sa première victime ; je ne sais qui sera la seconde.

— Maman, j’espère que la seconde victime sera lui-même, car je jure que s’il n’a que moi pour lui porter à manger, il mourra bien de faim.

— Qu’il meure donc comme un chien !