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DEUX DE TROUVÉES

ses yeux seuls avaient conservé leur activité et suivaient le serpent à sonnettes qui, se déroulant avec lenteur, s’avançait en rampant vers le soupirail ouvert du cachot. Le reptile avait aussi cessé ses sifflements, mais il agitait avec vivacité sa langue fourchue qu’il dardait de sa gueule entr’ouverte, ses sonnettes ne faisaient entendre qu’un son faible et sec. Arrivé au-dessous du soupirail, le reptile se dressa le long du mur, en imprimant à son corps de gracieuses ondulations, puis il s’allongea tout droit, ne semblant s’appuyer sur le plancher que par la force des articulations de la queue. Pierre suivait avec une anxiété extrême les mouvements du reptile qui, malgré sa longueur, ne put atteindre au soupirail qui se trouvait élevé à six pieds au dessus du plancher à l’endroit où il touche au mur. La direction que prit le serpent était opposée à celle dans laquelle se trouvait le lit de Pierre ; il put le suivre à l’espèce de bruissement que faisait le serpent en coulant sur le plancher, quoiqu’il avançât lentement et sans agiter ses sonnettes.

Pierre retenait son haleine pour mieux entendre, car sa tête, retenue par une courroie sur un morceau de bois au lieu d’oreiller, ne pouvait se tourner. Il était dans de cruelles angoisses ; quoiqu’il ne put plus voir le serpent, il sentit qu’il approchait de son lit, une sueur froide coula de son front ; bientôt il sentit le drap se soulever sur ses pieds, un corps froid se glissait sur son corps nu… Toutes ses chairs frissonnèrent à ce contact… Le long de ses jambes il sentait se couler le reptile qui se trouvait attiré par la chaleur… Bientôt il vit la tête du serpent dépasser le drap qui était replié sur sa poitrine…