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UNE DE PERDUE

— Il est indigne de toucher à ce legs ! s’écria M. Préau avec indignation, à l’idée que ce monstre toucherait de ses mains impures l’offrande dernière d’un homme de bien.

— Non ! répondit tranquillement le capitaine, cet argent lui appartient ; c’était la volonté de mon père qu’il l’eût et il l’aura ! Mais je vous assure qu’il n’en pourra pas faire un mauvais usage… Vous lui porterez son argent lundi, M. Magne ! — Je ferai aussi porter à la Bibliothèque de l’État, les livres qui lui sont légués ; veuillez aussi en préparer l’acte.

Lorsque messieurs Magne et Préau furent partis, après le souper, le capitaine Pierre de St. Luc monta à son ancienne chambre à coucher, dans laquelle il s’enferma. Sur une table, recouverte d’un tapis vert, il y avait la petite cassette de maroquin rouge, à clous jaunes. Cette cassette renfermait des papiers de famille. Pierre allait enfin connaître ce que M. Meunier lui avait toujours caché ; il allait enfin apprendre quel était son père et sa mère, où ils étaient, ce qu’ils faisaient. Il regarda, avec des yeux qui se remplirent de larmes, cette cassette dont le contenu allait lui dévoiler tout ce que sa naissance et son enfance avaient eu de caché et de mystérieux. Il hésita à l’ouvrir, et ce qu’il avait tant désiré de connaître il tremblait maintenant de l’apprendre ; il aurait voulu n’avoir eu d’autre père que M. Meunier ! Il eut peur de n’avoir à connaître le nom de son père que pour avoir à lui reprocher son abandon. Il demeura longtemps pensif et rêveur.

Minuit sonna à l’horloge ! C’était l’heure à laquelle M. Meunier était mort. Pierre de St. Luc tressaillit.

— Je n’ouvrirai point cette cassette maintenant !