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UNE DE PERDUE

mon cheval, ma carriole et mon harnais argenté, pour aller à Sorel voir Éléonore, et la promener !

« Un jour, c’était le 6 janvier 1809, la fête des Rois, je proposai à Éléonore d’aller passer la journée à St. Ours chez Mme de Grandpré ; Mme Deguise y consentit, et je partis avec Éléonore. Le temps avait été très doux, depuis le jour de Noël ; les glaces du St. Laurent n’étaient point encore arrêtées ; mais celles de la rivière Richelieu étaient solides et les chemins superbes sur la rivière. Ce n’était qu’une glace vive. Mon beau cheval, de pure race canadienne, plein de feu et d’action, secouait d’impatience son épaisse et flottante crinière ondée ; ses naseaux rouges lançaient une vapeur bleue, qui tranchait sur le blanc mat de la neige. Le ciel était couvert de nuages vaporeux. Le temps était doux et serein.

« Oh ! comme mon cœur palpitait de bonheur d’avoir mon Éléonore à mes côtés, chaudement enveloppée dans une belle robe de buffle toute neuve ! Je fis claquer mon fouet avec orgueil ! Oh ! comme il était beau mon cheval tout noir, sur le dos duquel reluisait son harnais argenté. Retenu par son mors, il frémissait sous les rênes et dansait, en agitant la bande de petites clochettes attachée à son poitrail. Il y avait une foule de voitures qui se promenaient sur la glace. Les jeunes gens couraient leurs chevaux fringants : d’autres s’en allaient du même côté que nous. Personne ne paraissait craindre la glace, et je m’y embarquai. Je lançai mon cheval à son grand trot, et bientôt j’eus dépassé toutes les voitures.

« Nous arrivâmes chez Mme de Grandpré, au mo-