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UNE DE PERDUE

l’eau, mais lui fit perdre prise. Il fit un plongeon et au moment où il reparaissait sur l’onde, un glaçon le frappa à la tête. Il lâcha un gémissement si plaintif que j’en frissonnai ; il tourna la tête de mon côté, comme s’il eut voulu implorer mon secours, puis elle s’affaissa sous l’eau ; sa crinière flotta un instant, et il s’enfonça sous la glace pour ne plus reparaître ! Je versai une larme sur sa mort ! Pauvre animal, si fidèle !

« Éléonore qui avait vu la lutte désespérée de la noble bête et sa fin si triste, pleurait aussi. Cependant nous n’étions pas encore sauvés ; nos vêtements étaient imbibés ; tout le corps d’Éléonore tremblait, ses dents claquaient ! Je lui passai une main sous le bras et je la fis courir dans la direction du rivage, pour la réchauffer. Elle était si faible, qu’elle n’avait pas la force de se supporter. Je l’obligeai de marcher, malgré sa faiblesse, dans la crainte que le froid ne s’emparât de ses membres. Enfin ! oh bonheur ! nous atteignîmes le rivage ! Il y avait une maison auprès. Tout le monde était couché. Je frappe avec violence et on vient nous ouvrir. — Ces bons habitants, en apprenant ce qui nous était arrivé nous firent boire un verre de rum, mêlé de sucre et d’eau chaude. Éléonore fut couchée dans des couvertes. Quant à moi, après avoir changé de vêtements, je me jetai tout habillé sur le plancher près du poêle.

« Aux premières lueurs de l’aurore, je me fis conduire au village ; et, aussitôt que je pus me présenter, je me rendis chez Mme  Deguise. Je lui racontai tout ce qui nous était arrivé. Elle fit atteler sa voiture et se hâta d’aller trouver sa chère Éléonore