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DEUX DE TROUVÉES

présence d’esprit dans les plus désespérées conjonctures. Féroce jusqu’à la frénésie durant le combat, il avait souvent montré après la victoire, de ces élans généreux qui quelquefois caractérisent la vie de certains pirates. Ses compagnons l’aimaient pour son impartiale justice ; jamais il ne voulut prendre plus que la part d’un simple matelot, quand il s’était agi de partager le butin pris en course. Sévère pour la discipline, aucune faute ne trouvait grâce devant lui ; d’une rigueur outrée dans le service, il se fit bientôt des ennemis ; mais sa vigueur sut bientôt mettre fin à tous les murmures. Un jour que l’un de ses matelots refusait d’accomplir un ordre qu’il lui avait donné, il lui creva la poitrine d’un coup de pistolet. Une couple d’exemples de cette nature eurent bientôt convaincu les mécontents qu’ils avaient trouvé dans Cabrera un autre Lafitte, et tout fut fini.

Quatre vaisseaux étaient mouillés dans l’esterre : une polacre et une corvette, armées chacune sur le pont de seize caronades et d’un canon de chasse de gros calibre sur l’avant ; et deux petits sloops, montés chacun de six canons. Leurs coques longues et effilées, pincées à l’avant, leurs grandes voiles et la prodigieuse hauteur de leur mâture, annonçaient que tous ces vaisseaux étaient faits pour la course bien plus que pour le transport.

Les divers groupes nonchalamment étendus à l’ombre, savouraient le parfum de leurs cigares ; les uns racontaient les aventures de leur jeune âge, les autres dormaient, ceux-ci s’amusaient à boire, ceux là à des jeux de cartes, de quino et de rouge et noir.

Cette vie d’oisive inactivité que les pirates menaient dans l’esterre depuis plus d’une semaine, commençait à les ennuyer.