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UNE DE PERDUE

Zéphyr l’aurait doublée, et il eut été imprudent de sortir de l’esterre à la vue d’un vaisseau. Un malheur pouvait faire découvrir la retraite des pirates, qu’il leur importait tant de tenir cachée.

Cabrera descendit avec précipitation, pour hâter par sa présence et presser l’appareillage.

Un homme placé en vedette au haut du cap, suivait les mouvements du Zéphyr et avait ordre d’en donner avis par des signaux, aussitôt qu’il serait arrivé à la pointe aux Cormorans.

Malgré les efforts inouïs que firent ces hommes altérés d’or, de sang et de carnage ; malgré l’activité déployée par Cabrera et tous les chefs qui se multipliaient pour presser les opérations, il était évident que le Zéphyr doublerait la pointe avant que les pirates pussent mettre en mer. Il leur fallait touer à travers le chenal la polacre et la corvette. Déjà les vaisseaux étaient prêts ; déjà trois cent hommes forts et robustes, jetés dans une vingtaine de canots et de chaloupes, remorquaient à leur suite la polacre et la corvette.

Cabrera, pour une dernière fois, courut au cap pour juger par lui-même du temps qu’il lui restait. D’un coup d’œil il vit qu’il était trop tard. Déjà le Zéphyr, semblable au coursier qui, impatient du mors qui le retient, agite sa crinière et encense de sa tête en sollicitant les rênes, commençait à plonger dans les vagues plus profondes au milieu desquelles sa proue se relevait en secouant les flots d’écume qui l’inondaient.

— Malédiction ! murmura Cabrera, il est trop tard ! Et cet homme osa maudire la providence de ce qu’elle ne lui permettait pas d’accomplir un crime !