Page:Boucherville - Une de perdue, deux de trouvées, Tome 1, 1874.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
69
DEUX DE TROUVÉES

Aussitôt on brassa l’ourse d’artimon tout à fait sous le vent et le timonier mit la barre sous le vent.

— Largue le lof !

En un clin d’œil les écoutes des focs et des voiles d’étai ainsi que l’amarre de la grande voile, furent larguées.

Le capitaine profita de l’instant où l’on exécutait cette manœuvre, pour pointer lui-même son canon favori, son Cicéron. Aussitôt que la proue du Zéphyr arriva en droite ligne avec le flanc de la polacre :

— Feu ! cria le capitaine.

Et sans prendre le temps de regarder l’effet que pouvait avoir produit l’éloquence de son prince des orateurs à la parole de fer, il cria à l’équipage d’une voix sonore et retentissante :

— Décharge derrière !

Et au moment où la proue du Zéphyr, obéissant à cette manœuvre, commençait à dépasser le lit du vent, encore une fois la voix du capitaine retentit et fit entendre l’ordre de :

— Décharge devant !

À ce commandement, les vergues des voiles de misaine furent vivement brasseyées et orientées sur le côté opposé ; et le Zéphyr, ayant viré de bord vent de vent, s’élança en bondissant à travers les flots comme un coursier qui, un instant retenu par le mors, se sent enfin libre sous les rênes qu’on lui abandonne, tressaille, secoue sa crinière et dévore l’espace. Le Zéphyr frissonnait dans sa membrure sous l’effet du vent qui sifflait dans ses voiles, en ce moment toutes dehors ; sa proue, en fendant l’onde, faisait jaillir à l’avant des tourbillons d’écume, qui