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UNE DE PERDUE

vendait sans licence de la boisson frelatée aux habitués. Cette maison était le rendez vous de ce que la ville renfermait de plus infime dans sa population ; c’était là que s’organisaient les vols, les incendies et les bris de maison qui, à cette époque, augmentaient d’une manière alarmante. Là, la nuit, on apercevait des figures que l’on ne rencontrait nulle part le jour ; vers dix heures du soir, on commençait à les voir arriver une à une ; quelquefois, mais rarement, deux ou trois ensemble. Quelquefois on y voyait des gens des cages qui demeuraient dans le faubourg ; ceux-là n’y venaient pas pour y faire du mal, ou y rencontrer les malfaiteurs dont nous venons de parler ; mais parce que la boisson y était vendue à meilleur marché. Les hommes de cage ou les voyageurs, comme on les appelle, qui visitaient cette espèce de tapis franc, étaient pour la plupart des boutés, qui ne reconnaissaient d’autre mérite que celui de la vigueur physique et de la force brutale.

On nous pardonnera de conduire nos lecteurs dans ces lieux que l’exigence de notre récit nous oblige de visiter.

Un samedi d’été, vers neuf heures et demie, deux hommes marchaient rapidement, en remontant la grande rue du faubourg St. Laurent ; rendus à la rue Lagauchetière, ils tournèrent à droite. À une trentaine de pas, en arrière, suivait une autre personne qui, de temps en temps, frappait légèrement le pavé avec une canne, comme pour les avertir qu’il les suivait.

— Connaissez-vous bien la place ? disait l’un de ces hommes à son compagnon.

— Parfaitement. Mais je crois qu’il est un peu trop de bonne heure, pour l’y trouver.