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UNE DE PERDUE

en grappes nombreuses. On passait de ce berceau sur une pelouse fleurie d’un demi-arpent carré à peu près, et qu’ombrageaient un groupe d’ormes majestueux, dont les vastes rameaux, en s’entrelaçant, formaient un épais toit de verdure que les rayons trop chauds du soleil de juillet ne pouvaient pénétrer, à la grande satisfaction de deux jeunes filles qui, assises sur le gazon, étaient occupées toutes deux à broder des chiffres sur des mouchoirs de fine batiste, frangés de dentelle.

Elles étaient sœurs, de même âge ; toutes deux gaies, toutes deux spirituelles, comme des canadiennes de pure origine française ; toutes deux jolies, avec leurs cheveux bruns, lisses, soyeux, se divisant au milieu du front en deux bandes qui encadraient leur visage d’un ovale parfait, et se repliant gracieusement pour aller au-dessus des oreilles se nouer en rouleaux sur le derrière de la tête. Elles s’aimaient comme des jumelles s’aiment ; elles se ressemblaient comme deux jumelles se ressemblent ; leurs sympathies étaient les mêmes, leurs goûts ne faisaient qu’un. Pourtant, une nuance assez sensible distinguait leur caractère ; l’une, Asilie, que l’ou appelait Asile, était d’une sensibilité mêlée d’une certaine teinte de douce mélancolie, qui n’en rendait sa gaieté que plus aimable, et sa conversation comme sa société que plus sympathique ; avec elle on se sentait comme un besoin d’aimer.

Sa sœur, plus vive dans sa gaieté, plus sémillante dans ses mouvements, un peu piquante dans ses réparties pleines de sel et de finesse, offrait un charmant contraste quelquefois ; car c’était justement quand Asile paraissait la plus rêveuse, qu’elle se plaisait à