Page:Bouchor - Les Symboles, nouvelle série.djvu/251

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ah ! s’il n’appelle à lui que les justes, bien peu
Posséderont un jour la vision de Dieu !
Moi, dans la paix du Ciel, ce sera ma torture
De voir l’homme écrasé par l’aveugle Nature.
Pauvres êtres souffrants dont le salut m’est cher,
Vous laisserai-je en proie aux fureurs de la chair ?
Vous faudra-t-il errer sans conseil et sans guide ?
Non. Je redescendrai du Paradis splendide ;
Et, mille fois, soumis aux cruautés du sort,
Je naîtrai de la femme et je mourrai de mort.
Accablés sous le poids de crimes séculaires,
Enivrés de désirs, fous de vaines colères,
Vous vous efforcerez de vaincre en frémissant,
O frères, la révolte immortelle du sang.
Je serai parmi vous, moi, poursuivant ma tâche,
Maudit par le puissant et trahi par le lâche.
Quelques-uns me suivront : plein d’un espoir joyeux,
Je croirai voir l’amour se lever dans leurs yeux…
Mais puis-je triompher de la matière immonde ?
Non : le mal, à jamais, doit asservir le monde.
J’ai fait un rêve, et rien n’accomplira mon vœu.
Toujours ce cœur blessé saignera loin de Dieu.