Page:Bouchor - Les Symboles, nouvelle série.djvu/253

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Je crus, en écoutant cette voix inconnue,
Que l’heure de sauver le monde était venue,
Et qu’un Dieu paternel aimait ses fils ingrats.
J’avais foi dans mon œuvre, et je tendais les bras
Vers le Dieu de justice et de miséricorde !
Mais j’ai vidé la coupe amère, et je déborde.
Parle : si l’homme était d’avance condamné,
Pourquoi, Seigneur, d’un peu de poussière est-il né ?
Ah ! qui suis-je ? et d’où vient que l’amour me dévore ?
Mon Dieu, j’ai vu frémir les ailes de l’aurore ;
Le jour n’est pas venu. Parle, ô puissante Voix
Qui traverses mes os comme aux jours d’autrefois !
Je me sens défaillir : devant moi tout s’efface ;
Une chaude sueur de sang baigne ma face…


LA VOIX

Je suis le Dieu jaloux, le maître violent
Qu’une trombe terrible enveloppe en sifflant.
Les grands taureaux ailés, dont le vol me soulève,
Mugissent devant l’arche où s’abrite mon rêve.
Je suis le moule ardent d’où sortit l’univers.
Feu vengeur, je détruis lentement les pervers.