Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/10

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voulu nous le communiquer et nous en signaler le mérite. Nous reproduisons donc d’après l’autographe même cette partie du journal de Boufflers, tout à fait ignorée, sauf quelques passages que nous signalerons à leur heure. En protégeant ces pages contre la destruction et en laissant mettre ce qu’elles contiennent sous les yeux des lecteurs, M. La Caille rend à ceux-ci un service dont tout le monde lui saura gré. On trouvera aussi qu’il en rend un à la mémoire de Boufflers, qui est un peu trop resté, pour la postérité, l’aimable diseur de fariboles : le conteur de la Reine de Golconde a porté tort au gouverneur du Sénégal, et pourtant celui-ci n’a qu’à gagner à être bien connu, car il fut à la hauteur de sa tâche et sut demeurer, sous l’Équateur, aimable, bienfaisant et humain comme il le fut sous d’autres latitudes.

Paul Bonnefon.

Ce 3 décembre 1786. — Mes ennuis et mon humeur sont toujours au même point, ma bonne femme ; je hais la ville de Nantes comme la route de Nantes, et je m’y trouve aussi mal. Je suis logé dans un exécrable cabaret, n’ayant aucune commodité pour lire ni pour écrire, assailli à toute heure d’une foule de négociants, qui viennent me faire des questions et des objections saugrenues au sujet des derniers arrangements du Sénégal. Comme ceci tient de plus près à mon devoir, je m’impose la modération dans la discussion, mais toi qui connais ton mari, tu sais bien ce qu’il lui en coûte. Cependant, il me paraît que les éclaircissements que je donne frappent tous les esprits et que les gens, même les plus mécontents, finissent par entrer dans nos idées, et sont près d’adopter les plans que je leur propose. Tâchons que tout ceci finisse vite, mon enfant, car j’ai besoin de revenir à la barrière des Champs-Élysées.