Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/12

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où il y a un passage de mer que la tempête ne permet point de tenter à présent et qu’il faut pourtant passer pour aller à Lorient. Il faut que l’ennui, la ruine et le danger se réunissent contre moi, comme si le Diable avait besoin d’autre chose que de ton absence pour me faire maudire la vie.


Ce 7. — Enfin, j’arrive à Lorient et j’y trouve tes douloureuses nouvelles. Chère moitié de moi-même, que je te plains, que je me désole, que je voudrais être auprès de toi, non pas pour te conduire, car je n’en ai point l’ambition et tu n’en as pas besoin dans les grandes occasions, mais pour te soutenir, pour te consoler, pour te montrer d’avance les choses comme tu les verras quand la première douleur sera passée et que les mouvements de ta trop juste indignation seront calmés[1]. Mais je n’y suis pas et je m’en rapporte à ce génie qui plane toujours au-dessus de toi, qui te fait toujours dire, écrire, faire et penser tout ce qu’il y a de mieux. Je m’en rapporte qu’il est trop juste pour que tu sois tout à fait malheureuse ; je m’en rapporte à l’évêque qui est le plus sage et le plus prudent des hommes ; enfin j’espère qu’après quelques mauvais jours tu en auras de plus calmes et qu’après une cruelle année tu en passeras de plus douces et que tu ne les passeras pas seule. Adieu.


Ce 8. — Je n’ai qu’un moment pour t’embrasser et je te le donne avec le cœur que tu m’as donné, car avant toi je n’avais que celui qui est connu sous

  1. Mme  de Sabran avait eu à se plaindre gravement du précepteur de son fils Elzéar.