Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/159

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retrouvera toujours dans quelque position où le hasard me place : j’ai toujours eu cinq ou six barbouillages que je conduisais de front et je crois que la règle de ne s’occuper que d’une chose est la pire de toutes parce qu’elle rétrécit l’esprit et l’ennuie. Il faut ne s’occuper que d’une personne, à la bonne heure, encore faut-il pour cela qu’elle te ressemble, car c’est s’occuper de mille choses à la fois et toutes plus intéressantes les unes que les autres. Adieu.


Ce 29. — Mes étrangers partent définitivement aujourd’hui après dîner. Voilà plus de trois semaines qu’ils sont ici et pendant ce temps-là je n’ai jamais eu moins de trente couverts. Mon état de dépense va être diminué d’un tiers à la grande satisfaction de mes gens, qui se ruinaient le corps en ruinant ma fortune. Je suis cependant fâché d’être privé d’une très bonne société dans un pays où elle est si nécessaire et si rare. Mais j’espère que cela ne durera pas longtemps et qu’après un peu d’ennui, un peu d’impatience, un peu de souffrance, un peu de navigation, je reverrai celle vers qui toutes mes pensées et toutes mes affections s’élancent et en qui tout mon bonheur réside. Adieu.


Ce 30. — Mes Lorrains et Lorraines sont partis et me voilà rendu à mes Africains jusqu’à ce qu’il me vienne un joli petit vaisseau qui sera comme le cheval de François Ier, doux à monter, doux à descendre, puisque j’y monterai pour me rapprocher de toi et j’en descendrai pour te voir. Mon vilain doigt du milieu (de la main) me fait un mal horrible, mais il faut encore qu’il souffre que je t’embrasse.