Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/237

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les communautés primitives, que travaux de femmes. C'est donc que le plus fort distribue les besognes selon sa loi ; il se conforme moins au vœu de la nature qu'aux exigences de son intérêt ou de ses goûts propres. C'est donc que la division du travail est originellement plutôt « contrainte » que « spontanée ».

Au dire de M. Gumplowicz 448, la contrainte en pareille matière serait la règle dans la société politique et aussi bien que dans la société conjugale. Jamais le travail ne se serait divisé librement. Dans tout État on retrouverait des races diverses en présence : mais leurs fonctions seraient déterminées moins par la diversité de leurs aptitudes naturelles que par l'inégalité de leur situation sociale. Le groupe qui tient le pouvoir se réserve certaines profes­sions, il abandonne ou impose les autres aux groupes subordonnés. Le loisir devient d'ailleurs bientôt le signe le plus éclatant de la suprématie ; vivre noblement c'est prouver de toutes les façons, par tous les luxes dont on dispose, qu'on appartient à la leisure class. Si donc le puissant exerce encore les activités qui lui permettent d'accomplir des prouesses et de déployer de la valeur – de préférence les activités prédatrices – il laissera systématiquement aux opprimés les besognes monotones et fatigantes, sans joie et sans honneur – les activités de type industriel. Dühring, en ce sens, avait raison contre Engels : la division du travail ne crée pas la différenciation de la société en classes ; bien plutôt c'est la préalable différenciation des sociétés qui déter­mine la façon dont le travail s'y divise.

Et, à vrai dire, si l'on veut se rendre un compte exact des motifs qui ont pu présider dans les sociétés primitives à cette organisation du travail, il ne faut jamais oublier d'ajouter, ou même de substituer, aux calculs plus ou moins intéressés, des scrupules d'ordre religieux, des