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L’OPPOSITION DES CASTES ET LA FAMILLE

de la société hindoue, le sceau des conceptions religieuses propres aux Aryens : leur influence explique tout naturellement ce que ne pouvaient expliquer les exigences de l’industrie. Les coutumes si singulières de la caste, les règles dont elle entoure le connubium et la commensalité ne recouvrent-elles pas « exactement le domaine du vieux droit gentilice[1] »  ? Il nous est donc permis dès maintenant de ne plus rester dans le vague : nous pouvons nommer l’ancêtre de la caste. Elle descend en ligne directe de la famille aryenne.


Que penser de cette théorie ?

On la loue[2] d’avoir attiré l’attention sur le nombre considérable des castes hindoues, que la tradition brahmanique tendait à voiler, et prouvé la nécessité de chercher, jusque dans le haut passé de l’Inde, les germes de cette multiplicité d’organismes qui frappe l’observateur de nos jours. Mais a-t-elle vraiment démontré que la caste s’est bâtie sur la charpente de la famille, et précisément sur la charpente de la famille aryenne ?

Sur ce dernier point, on ne manquera pas de faits à opposer à M. Senart. Car il semble bien que les croyances et les coutumes qu’il présente comme des monopoles des peuples aryens se retrouvent, en réalité, chez nombre d’autres peuples[3].

Que certains objets soient naturellement sacrés pour certaines personnes, qu’ils doivent donc leur inspirer un sentiment ambigu, où le respect se mêle à l’horreur, et qu’on ne puisse en conséquence les toucher qu’avec les plus grandes précautions, ces idées peuvent sembler étranges aux civilisés – elles sont communes à presque tous les peuples primitifs. M. Senart parle quelque part des

  1. Senart, p. 233.
  2. Cf. Barth, Jolly, art. cit.
  3. Oldenberg, Zeitschrift der Deutsch. Morg. Gesell. Bd 51, p. 279 en note.