Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/122

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d’un satyre. Les rouges flancs des monts s’immobilisèrent. Je n’entendis plus la rumeur des bois que brûlent la volupté et la luxure de l’aube. Cénobitique, je m’exilai dans cette petite habitation qui fut le théâtre de mes jeux d’enfant et dont le parc vieux abrite mes passions. J’ai conquis la sécurité. L’intacte architecture m’équilibra. Le repos des murs fit le mien. Cette pesante stagnation du plâtre et des rocailles parodia la stabilité de mon esprit. Je me limitai entre une tuile, une porte. Je pris l’habitude des rêveries. Contracté et hypocondre, j’empruntai au sombre horizon, à la colline et au cottage riverain, leur goût de la paix la plus harmonieuse et leur complaisance pour des somnolences, une mansuétudinale tranquillité.

A force de vivre dans une maison, au milieu d’un site exigu, mélancolique et uniforme, il semble que l’âme s’immobilise. L’opaque stupeur du ciel, des prairies et des eaux, constitue la paix spirituelle. Rien de plus propice aux méditations. Ayant parcouru de glaciales régions, lesplaines de Troie et les saintes îlescythéréennes, cette compacte apathie me devint favorable. Reclus dansce bourg de banlieuejemerccueillispensivement. Il me fut possible de songer. Accablé d’ennui et de peine, parce que ni le spectacle du fleuve qui arrose cette spongieuse campagne, ni la lecture des tragédies, ni l’étude des métaphysiques n’étaient susceptibles de me satisfaire, je commençai à recevoir quelques-unes des exquises jeunes femmes dont mes amis tirent des délices, et leur compagnie me charma. Ce furent de délicats passe-temps. Je ne pris pas plus garde à celle-ci qu’à celle-là. Nous nous sommes aimés de manières diverses.