Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/149

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vais-je vous quitter pour d’inutiles conquêtes ! It semble que mes espoirs contrarient ma fortune. Car la bonne paix du hameau vert m’exténue d’ennui et d’extase. Je sais la totale joie, la vertu naturelle. Les roses d’orage palpitent moins que moi-même. O profondes cimes resplendissantes, la face de ma candeur a reçu vos blancheurs. » — Aussi accepta-t-il l’entreprise des destins. — C’est ainsi qu’il faut se soumettre.

— Exactement, soyons dociles. D’être aptes à tout, ne nous révoltons contre rien. Sans aucune restriction, résignons-nous. — Partout, toujours, le bonheur se tient là. Mais nous ne le saisissons point, car jamais nous ne sommes, présents et opportuns.

Oui, agissons, comme les bourgeois de cette froide petite Kônigsberg, cité de pédagogues et d’artisans.

— A voir passer le philosophe, promeneur réglé et méthodique, ils n’imaginaient point qu’il put être étreint des pires sentiments. Ils n’envisageaient là qu’un très placide passant. Ils l’estimaient d’être aussi harmonieux. Ils lui attribuaient des vertus de joie et une mélodieuse modestie. Ils songeaient : « Quel bon homme ! Comme il doit être heureux. Aucun événement ne le trouble. 11 est exact à ses roides habitudes. En voilà un que rien n’émeut. La belle conscience ! L’aimable ingénuité ! » Et vraiment, dans le même instant que défaillait cet homme fiévreux, sous l’auguste orage d’angoisses cérébrales, le seul fait qu’il marche, respire l’azur sain, l’âpre aromate des grappes pesantes,

— qu’il se tienne debout, calme, en équilibre, conformément à la terre et au ciel, — son souffle et sa marche niaient toute sa sagesse. Le doute qu’il avait