Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/168

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ou afin de vous courtiser, il raconte l’entreprise sur un ton d’uniforme tristesse, morne, magnifique, bu en tempête tumultueusement !

Comprenez, comprenez enfin que tout est préparé dans la nature ? La tendresse passionnée qui exténue une femme, la mansuétude du patriarche, le plus minime exploit, une clémence, un soupir, tout a été prévu par l’inquiétude du monde. Si je sors vers la prairie d’or, si je m’arrête à la claire métairie, si j’écris, si je chante, il n’est rien que Dieu n’ait nécessité. Ah ! laissez le donc agir. Ne vous interposez pas ! Chacun contredit le sort. Au paysage étendu, à la beauté et à l’amour, chacun heurte et appose sa sensibilité.

Les mouvantes turbulences des sites, les passions toujours se ressemblent. Seulement la vision de qui s’y attarde, paraît, et les diversifie. On se glorifie d’en fausser l’éclat. Leur lucide déformation semble indispensable à leur intérêt. On les bariole d’une spéciale expression. Shakespeare rebâtit le monde. Ophélie en larmes, l’attendait au bord du lourd fleuve glauque, sombre, écumeux ! Et toutes ces touchantes créatures, Cordelia, le roi Lear, Hamlet ! Cependant, le poète, au lieu d’équilibrer, de bien traduire leur riche tendresse, leur beauté tumultueuse, tranquille, appariée à Dieu et au brin de paille, voici qu’il nous les a montrées transfigurées.

Ah ! la petite psychologie. Et cette affreuse pompe de ténèbre, d’horreur contractée, équivoque !

Comme si les héros des poètes, et en général tous les hommes étaient nés, afin d’attendrir, de nous faire verser tant de larmes ! Comme si nous y prenions garde !