Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/209

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O les blancs hameaux qu’enflamme l’aube d’été ! On marche dans des pailles lisses, aiguës, parmi de verdoyants roseaux ! D’écarlates bœufs se pressent, puissants, et leurs sabots piétinent le sable. Des nomades portent d’étineelantes lances. Du soleil bondit, miroite, s’accroupit au milieu des plaines caillouteuses, torrides. Les caravanes passent, on respire l’odeur des épices. Pacifiquement roulent les chariots chargés de pierreries et de cônes d’un sel éblouissant. — Voilà, où vingt ans, habita Rimbaud, occupé, dit-on, aux plus bas labeurs, ou à des trafics de sang et d’épée. 11 est constant qu’il y vécut, mais personne ne sait ce qu’il y pensa. C’était là, vraiment, sa patrie. Dès l’instant de son arrivée, je crois que tout lui devint familierAvant d’y atterrir, il l’avait contemplée. Tout de suite, il y distingua ces roses fortes, ces oiseaux, ces poudreuses vapeurs, ces bois, ces châteaux qui avaient hanté sou enfance. Lorsqu’il s’avançait sur de brûlantes routes, rocailleuses, dévorées d’été, il y était mieux, plus à l’aise aussi, qu’à Charleville, petite cité triste et aride.

La beauté humaine dépend des héros ; leur apparition en augmente l’éclat. La consécration de leurs sentiments dote les paysages, les ciels, d’expression. Il me plaît qu’ils prennent, au milieu de nous, l’importance des rois et des laboureurs.

Les émotions d’un Gœthe, d’un Eschyle, d’un Rimbaud contribuent, comme l’eau et le blé, à perpétuer la vie des races. Ils enrichissent leur patrimoine