Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/245

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Entre un Montyon qui fut vertueux, d’esprit sentimental, d’exceptionnelle pitié, et le pire potentat possible, un Verlaine, un Rimbaud, Socrate, nulle hésitation n’est permise ; quelle que soit la tragique bassesse de ces poètes et bien qu’ils aient subi les pires calamités, nous les vénérons violemment, davantage et mieux que le philanthrope. En effet, nous avons conçu que ceuxlà, malgré tous leurs vices, importent plus au monde qu’un bon homme. La magnificence de leurs hymnes compense noblement leur propre objection. Ils nous enrichissent d’une profonde pureté. Ils dominent les rois qu’ils célèbrent. L’eurythmie de leurs bruissantes strophes détermine peut-être le mouvement des mers, scande des flux d’étoiles, les oscillations.

Assurément vous partagez ces sentiments. Afin de consacrer une race, nous dressons sur nos places publiques les solennelles statues de nos héros. Nous les glorifions constamment. Leur commémoration nous anoblit. Certains hommes expriment de totales tribus. Le vent des puissantes plaines bondit dans leur poitrine. Leur souffle et leur pas, leur joie et leurs rires en imitent le rythme éclatant. La fortune de leur pensée équivaut au destin des semailles emportées. Ils signifient un paysage, ciel, site, végétation, la,-flore, les minéraux, et on peut les envisager comme un coin de la terre fait homme. Us donnent du rythme, un équilibre à l’obsCur chaos d’une contrée.

Oui, les astrologues, ni les botanistes ne possèdent l’entendement dont se parent les poètes. Leurs découvertes nous touchent moins qu’un bel hymne. Ces personnages ne sont point populaires. Bien qu’ils aient