Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/32

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que je le Lui dis, mais ce sentiment ne l’infatue pas.

A la vérité, sa présence m’enchante. Elle embellit tout ce qu’elle touche. Sa joie et sa douceur m’emplissent. Elle fait scintiller les verreries limpides. Certains objets, qu’elle regarda, palpitent de riches colorations. L’urne bleuâtre, arrondie et creuse sur laquelle furent sculptés les exploits des amants et les jeux des héros fameux, cette corbeille que comble une fête de" feuillages, l’armoire à pain, la huche luisante, voilà les choses qu’elle anoblit infiniment.

Elle joue, elle pérore et elle danse. Elle salue avec présomption. Elle ne fait point de révérences. Je la considère comme un meuble exquis et elle complète mon intérieur. Son être fait allusion à ma maison Elle en augmente l’ardente clarté, les délices suaves ou l’affliction. C’est une demoiselle rayonnante de grâces. Comme tout frémit ! que tout est grave quand elle paraît. Elle contribue à l’émotion que m’inspirent les affaires du jour, une foule de petites circonstances de vie. Si Clarisse n’était près de moi, je ne connaîtrais point leur éternelle beauté. Ni les méditations de Gœthe, ni l’exténuante passion qui enflait d’un sang tumultueux le cœur des héros de Shakespeare, ni Rousseau, ni Descartes lui-même ne transportent mon âme comme ses mansuétudes, ses turbulences, ses indolences et ses soucis. A cause de mon ardente amie il m’est devenu loisible et aisé de ressentir avec violence l’âpreté éblouie des jours fades. Elle m’a doté de frénésie. Les attraits dont elle se parait ont su m’expliquer ceux qui ornent le monde, et elle renforce l’éclat des splendeurs périssantes.